Mardi 8 septembre 2015. Il est 13h00. On me félicite tandis que j'accueille ma fille dans mes bras. Je ne pleure pas. Je suis stupéfaite et soulagée. Le temps s'arrête. J'oublie la fatigue liée à mes deux nuits blanches passées. Elle est là. J'oublie la douleur, l'épreuve et la délivrance. J'entends mon homme me dire qu'il est aux anges et qu'il est fier de moi, de nous, qu'il nous aime et qu'il est le plus heureux. Je sens enfin sa petite peau contre la mienne, après neuf mois de langueur, j'entends le son de sa voix. Elle tremblote, le corps humide, en cherchant un repère. La sage femme m'aide à lui donner sa première tétée. Une fois au sein, elle s'apaise comme par enchantement. Réchauffée par la température de mon corps, elle est enfin rassurée et moi sereine.
C'est donc elle... Je l'ai vu à maintes reprises par échographie 3D mais rien n'y fait. Elle est bien loin de ressembler aux clichés que je lorgnais amoureusement ces semaines durant. Elle n'est pas moins jolie, mais elle est juste différente. A vrai dire, c'est le portrait de mon père. C'est assez paradoxale car il n'a jamais réellement été présent physiquement dans ma vie. Mais voici que le jour le plus important de tous, je le vois. Il est là, à travers elle. Je reconnais un air de famille, ses traits de visage. C'est ironique mais c'est ainsi. Mon homme se charge de prévenir tout le monde. Et moi je suis là, peau à peau avec l'être le plus pure existant sur cette planète. Je ne réalise pas tout ce que cela implique, mais tout ce que je comprend c'est que rien ne sera jamais plus pareil.
14h30. Retour dans la chambre. Émilio est aux anges. Je suis épuisée. Je sens le contrecoup arriver, et même si j'essaie de dormir je n'y arrive pas. Mes yeux sont rivés sur le couffin positionné à côté de mon lit. Elle est merveilleuse... Et c'est ma fille.
Il est 16 heures. Nos familles ont fait le déplacement, subjuguées par ce petit ange qui entre dans nos vies et qui malgré ses 50,5cm est capable de chambouler le cours de notre existence. Je suis épuisée mais je passe outre, je ne veux rien louper de ces premiers instants si précieux. Je vois ma mère ravie et totalement émue de rencontrer sa première petite fille. Elle est là, silencieuse, en train de scruter la moindre partie de sa petite fille... Elle a l'air impressionnée par ce petit ange espéré depuis tellement de temps. Et puis, il faut dire que c'est aussi son jour à elle, puisqu'elle devient officiellement grand mère. Je l'appelle Mamie pour la première fois, on sourit. Dès cet instant, on se comprend mieux, et c'est merveilleux.
18h00. Ma meilleure amie entre doucement dans la chambre, des cadeaux dans une main, ses clefs de voiture dans l'autre. Elle avance, radieuse et émue vers le couffin d'Elena. Je suis fière de partager le plus beau jour de ma vie avec elle, elle qui est l'origine de tellement de choses. J'ignore si elle en est consciente mais si elle peut être là en ce jour spécial, c'est parce qu'elle l'est tout autant pour moi.
23h00 . Mon homme est rentré se reposer pour pouvoir assurer demain au travail. Il ne prendra pas de congés paternité. On en a discuté longuement, on le regrette mais on n'a pas réellement le choix. Ce soir, Bébé pleure de plus en plus fort. J'ai peur. Elle m'impressionne. J'ai du mal à tenir debout, la péridurale m'a laissé quelques vertiges. Je ne comprends pas. Elle est changée, elle vient d'avoir le sein, mais elle pleure encore. J'appelle une puéricultrice. Elle m'envoie sur les roses en m'expliquant qu'un bébé a besoin de contact et qu'il faut que je la mette au sein aussi souvent qu'elle le réclame. Je m'y attelle. Une fois sur le lit je lui donne le sein. Ça ne marche pas. Elena hurle de plus en plus. Ce n'est plus de la peur, mais de la panique. Mon homme n'est pas là. Ma mère non plus. Je me sens terriblement seule, et pour la première fois de la journée, je pleure. Je supplie ma fille de se calmer.
A force de persistance, elle se rendort. Quelques minutes passent et je la pose sur son couffin. Je prends mon téléphone et dis à mon fiancé que je ne veux plus être seule avec elle. J'ai mal aux seins, ça commence à brûler un peu, j'aurais sûrement des crevasses. Manque plus que ça...
Mercredi 9 septembre 2015. 9h00. J'envoie un SMS à mon père. J'ai oublié de lui annoncer la bonne nouvelle avec toutes ces émotions... Persuadée de toute manière qu'il vit sa vie et qu'il n'est pas à un jour près.
9:30. Papa me dit qu'il est en route et qu'il sera là d'ici cinq heures.
16h00. Papa a eu du retard mais il est là. Il y a mes parents, mes beaux parents. Tous réunis. Mon fiancé a pu venir entre deux services. Il sera le seul à avoir rencontré mon père. Je peine à y croire mais il est bel et bien là, à échanger des regards complice avec les personnes présentes. Mon papa est resté jusqu'à 20h, totalement amoureux de sa petite fille. Il est reparti le cœur léger, comme apaisé. C'est à peine croyable cet effet qu'un nouveau né peut avoir sur les adultes... Au delà des tensions, une naissance a la capacité d'être fédératrice. J'étais sceptique jusqu'alors, mais la vie en a décidé autrement comme si elle essayait de me dire qu'il ne faut pas tenir rigueur du passé. 24 heures après la naissance de ma fille, c'est la face de mon monde qui a changée, ainsi que mon état d'esprit. Plus rien ne compte.
Mercredi 13 avril 2016. 14h48. Je n'ai toujours pas revue mon père. La vie a repris son cours.J'ai perdu beaucoup "d'amis", je ne vois plus toutes ces personnes que je côtoyais avant. Avec le recul, je vois que j'ai essuyé beaucoup d'hypocrisie de la part des gens. Tous ne voyaient pas ma grossesse d'un bon œil, mais au final je me rend compte que très peu était au parfum en matière de ce qui pouvait être bon pour moi. Mais ça n'a plus aucune espèce d'importance désormais.
Pour l'instant, je n'ai plus les même prétentions professionnelles qu'avant, car tout ce que je veux c'est du temps pour profiter de ces moments de plénitude. Malgré le cheminement que j'ai vécu, malgré les absences auxquelles j'ai été confrontée ces derniers mois, je ne me sens pas incomplète pour autant...et ça, je le dois à eux.
Pour l'instant, je n'ai plus les même prétentions professionnelles qu'avant, car tout ce que je veux c'est du temps pour profiter de ces moments de plénitude. Malgré le cheminement que j'ai vécu, malgré les absences auxquelles j'ai été confrontée ces derniers mois, je ne me sens pas incomplète pour autant...et ça, je le dois à eux.
A elle qui dort paisiblement sur son transat près de moi et à lui qui rentrera bientôt du travail.
Certes je n'ai pas tout ce que j'ai pu espérer par le passé.
Mais au final, il ne me manque rien.
Je me sens à ma place. Enfin. Et je n'ai pas eu besoin de partir au bout du monde.
Je me sens à ma place. Enfin. Et je n'ai pas eu besoin de partir au bout du monde.
Une maman ordinaire.