mercredi 13 avril 2016

Le premier jour du reste de ma vie



Mardi 8 septembre 2015. Il est 13h00. On me félicite tandis que j'accueille ma fille dans mes bras. Je ne pleure pas. Je suis stupéfaite et soulagée. Le temps s'arrête. J'oublie la fatigue liée à mes deux nuits blanches passées. Elle est là. J'oublie la douleur, l'épreuve et la délivrance. J'entends mon homme me dire qu'il est aux anges et qu'il est fier de moi, de nous, qu'il nous aime et qu'il est le plus heureux. Je sens enfin sa petite peau contre la mienne, après neuf mois de langueur, j'entends le son de sa voix. Elle tremblote, le corps humide, en cherchant un repère. La sage femme m'aide à lui donner sa première tétée. Une fois au sein, elle s'apaise comme par enchantement. Réchauffée par la température de mon corps, elle est enfin rassurée et moi sereine.

C'est donc elle... Je l'ai vu à maintes reprises par échographie 3D mais rien n'y fait. Elle est bien loin de ressembler aux clichés que je lorgnais amoureusement ces semaines durant. Elle n'est pas moins jolie, mais elle est juste différente. A vrai dire, c'est le portrait de mon père. C'est assez paradoxale car il n'a jamais réellement été présent physiquement dans ma vie. Mais voici que le jour le plus important de tous, je le vois. Il est là, à travers elle. Je reconnais un air de famille, ses traits de visage. C'est ironique mais c'est ainsi. Mon homme se charge de prévenir tout le monde. Et moi je suis là, peau à peau avec l'être le plus pure existant sur cette planète. Je ne réalise pas tout ce que cela implique, mais tout ce que je comprend c'est que rien ne sera jamais plus pareil. 

14h30. Retour dans la chambre. Émilio est aux anges. Je suis épuisée. Je sens le contrecoup arriver, et même si j'essaie de dormir je n'y arrive pas. Mes yeux sont rivés sur le couffin positionné à côté de mon lit. Elle est merveilleuse... Et c'est ma fille.

Il est 16 heures. Nos familles ont fait le déplacement, subjuguées par ce petit ange qui entre dans nos vies et qui malgré ses 50,5cm est capable de chambouler le cours de notre existence. Je suis épuisée mais je passe outre, je ne veux rien louper de ces premiers instants si précieux. Je vois ma mère ravie et totalement émue de rencontrer sa première petite fille. Elle est là, silencieuse, en train de scruter la moindre partie de sa petite fille... Elle a l'air impressionnée par ce petit ange espéré depuis tellement de temps. Et puis, il faut dire que c'est aussi son jour à elle, puisqu'elle devient officiellement grand mère. Je l'appelle Mamie pour la première fois, on sourit. Dès cet instant, on se comprend mieux, et c'est merveilleux. 

18h00. Ma meilleure amie entre doucement dans la chambre, des cadeaux dans une main, ses clefs de voiture dans l'autre. Elle avance, radieuse et émue vers le couffin d'Elena. Je suis fière de partager le plus beau jour de ma vie avec elle, elle qui est l'origine de tellement de choses. J'ignore si elle en est consciente mais si elle peut être là en ce jour spécial, c'est parce qu'elle l'est tout autant pour moi.

23h00 . Mon homme est rentré se reposer pour pouvoir assurer demain au travail. Il ne prendra pas de congés paternité. On en a discuté longuement, on le regrette mais on n'a pas réellement le choix. Ce soir, Bébé pleure de plus en plus fort. J'ai peur. Elle m'impressionne. J'ai du mal à tenir debout, la péridurale m'a laissé quelques vertiges. Je ne comprends pas. Elle est changée, elle vient d'avoir le sein, mais elle pleure encore. J'appelle une puéricultrice. Elle m'envoie sur les roses en m'expliquant qu'un bébé a besoin de contact et qu'il faut que je la mette au sein aussi souvent qu'elle le réclame. Je m'y attelle. Une fois sur le lit je lui donne le sein. Ça ne marche pas. Elena hurle de plus en plus. Ce n'est plus de la peur, mais de la panique. Mon homme n'est pas là. Ma mère non plus. Je me sens terriblement seule, et pour la première fois de la journée, je pleure.  Je supplie ma fille de se calmer. 
A force de persistance, elle se rendort. Quelques minutes passent et je la pose sur son couffin. Je prends mon téléphone et dis à mon fiancé que je ne veux plus être seule avec elle. J'ai mal aux seins, ça commence à brûler un peu, j'aurais sûrement des crevasses. Manque plus que ça...

Mercredi 9 septembre 2015. 9h00. J'envoie un SMS à mon père. J'ai oublié de lui annoncer la bonne nouvelle avec toutes ces émotions... Persuadée de toute manière qu'il vit sa vie et qu'il n'est pas à un jour près. 
9:30. Papa me dit qu'il est en route et qu'il sera là d'ici cinq heures. 
16h00. Papa a eu du retard mais il est là. Il y a mes parents, mes beaux parents. Tous réunis. Mon fiancé a pu venir entre deux services. Il sera le seul à avoir rencontré mon père.  Je peine à y croire mais il est bel et bien là, à échanger des regards complice avec les personnes présentes.  Mon papa est resté jusqu'à 20h, totalement amoureux de sa petite fille. Il est reparti le cœur léger, comme apaisé. C'est à peine croyable cet effet qu'un nouveau né peut avoir sur les adultes... Au delà des tensions, une naissance a la capacité d'être fédératrice. J'étais sceptique jusqu'alors, mais la vie en a décidé autrement comme si elle essayait de me dire qu'il ne faut pas tenir rigueur du passé. 24 heures après la naissance de ma fille, c'est la face de mon monde qui a changée, ainsi que mon état d'esprit. Plus rien ne compte.  


Mercredi 13 avril 2016. 14h48. Je n'ai toujours pas revue mon père. La vie a repris son cours.J'ai perdu beaucoup "d'amis", je ne vois plus toutes ces personnes que je côtoyais avant. Avec le recul, je vois que j'ai essuyé beaucoup d'hypocrisie de la part des gens. Tous ne voyaient pas ma grossesse d'un bon œil, mais au final je me rend compte que très peu était au parfum en matière de ce qui pouvait être bon pour moi. Mais ça n'a plus aucune espèce d'importance désormais.
Pour l'instant, je n'ai plus les même prétentions professionnelles qu'avant, car tout ce que je veux c'est du temps pour profiter de ces moments de plénitude. Malgré le cheminement que j'ai vécu, malgré les absences auxquelles j'ai été confrontée ces derniers mois, je ne me sens pas incomplète pour autant...et ça, je le dois à eux. 
A elle qui dort paisiblement sur son transat près de moi et à lui qui rentrera bientôt du travail. 

Certes je n'ai pas tout ce que j'ai pu espérer par le passé.
Mais au final, il ne me manque rien.
Je me sens à ma place. Enfin. Et je n'ai pas eu besoin de partir au bout du monde. 

Une maman ordinaire.

mercredi 6 avril 2016

Miroir, qui est la plus belle?


Je suis devant mon miroir. Je jette un coup d'œil accusateur à cette nouvelle silhouette que j'apprivoise progressivement. Un peu de ventre, des poignées d'amour, des fesses plus charnues... Sûrement une demi taille en plus, et ces 5 foutus kilos que je ne perds toujours pas. Et dire qu'il y a quelques mois, je m'apprêtais à rencontrer ma fille... J'étais bien loin de m'imaginer devant la glace, sept mois plus tard, en train de sonder le moindre caractère de mon apparence.
Non... À cette époque, je me revois le bidon proéminent, la fatigue à son paroxysme. Je suis dans l'attente, et impatiente d'avoir mon bébé dans les bras. J'idéalise ma vie de femme / maman, ignorant sûrement la difficulté de se réapproprier son corps après bébé, de réapprendre à l'aimer et à le mettre en valeur.

Et puis, je me revois à nouveau, deux jours après l'accouchement, à la maternité, lorgnant mon corps post-partum depuis le miroir de la petite salle d'eau de ma chambre. À ce moment, je me rappelle m'être sentie vide, comme si donner la vie équivalait à donner toute sa vitalité. Il est certain qu'après deux jours de travail et de contractions, j'allais perdre ma forme olympique. Mais au fond de moi, je savais que ce sentiment était plus profond que cela... Je regardais ma fille dormir paisiblement sur son petit couffin, les poings fermés, emmitouflée malgré la chaleur de l'été indien. C'était donc ça le but de tout ; assurer une postérité, en fondant tous ses espoirs sur un petit être pur et magnifiquement innocent.  Et j'étais là, à la fois ravie de pouvoir revoir mes pieds mais aussi nostalgique de ces moments d'introspection, où mon propre corps avait pour seule mission de loger le grand amour de ma vie. C'est magnifique la Nature, bien assez pour nous dépasser. Je dirais même que souvent, au delà de toute attente, elle nous transcende. 

Alors quand parfois, je me regarde d'un air accusateur parce que j'ai perdu mon corps de jeune femme athlétique, une petite voix n'hésite pas à me rappeler combien ce que j'ai réalisé est magnifique. Si l'adage très répandu dit que l'on donne de sa beauté à son enfant, il faut rajouter qu'en contrepartie ce dernier nous prodigue l'expérience la plus enrichissante jamais vécue jusqu'alors, qui vaut bien le coup d'être marquée à jamais. Alors j'ose admettre que si mon corps a été le seul véhicule permettant à ma fille de faire son passage sur notre belle planète Terre, il n'en reste pas moins respectable. Bien au contraire, j'en suis fière. J'ai su l'écouter, m'écouter tout au long de ces neuf mois de grossesse, et cette symbiose s'est ressentie pendant mon accouchement. Malgré la fatigue, la douleur, j'ai tout donné... et la Nature m'a donné en retour le plus beau présent jamais escompté...
Porter la vie, cela n'est pas sans concession. Et pour autant, malgré ces petits "défauts" à jamais inscrits en moi, je ne regrette absolument rien de tout cela. Devenir mère m'a permis tout simplement de ne plus être autocentrée, et bien que j'aime toujours autant prendre soin de moi, je pense que le fait de me soucier d'un être autre que moi-même m'a rendue beaucoup moins superficielle. De ce fait, je me sens comme en total décalage avec la personne que j'ai pu être, et certaines autres que j'ai pu côtoyer.

Et pour finir, si je devais faire une déclaration à mon corps... ce serait celle ci.
"J'aime ce que tu es, ainsi que ce que tu incarnes. Tu n'es pas parfait au sens superficiel du terme. Tu n'es plus aussi tonique qu'avant. Certes, tu es un peu plus difficile à vêtir, où peut être bien que c'est moi qui ai changé de style. Mais dans tous les cas, sache que tu n'en es pas moins beau. Tu mérites que je te respecte, et ces tatouages naturels sont magnifiques. Ils sont les seuls à t'avoir permis de réaliser une prouesse des plus merveilleuses. Tu as donné la vie. Donné un sens à tout ça. À ton monde, à tes soupirs. Et rien que pour cela... Merci,  et pardon car parfois j'ai douté de tes capacités à gérer tout cela. Pardon car certains jours je te dévisage comme l'adolescente que j'ai été. Oui, je m'excuse si certains jours je suis beaucoup moins reconnaissante car il m'arrive de replonger dans cet autoflagellation stérile que nous impose cette société beaucoup plus néfaste que bénéfique. En tout cas ne t'en fais pas, car j'ai à mes côtés, la plus merveilleuse des personnes, qui ne cesse de me rappeler combien il est important de te respecter et combien tu es beau à ta manière. Et du fond du cœur, merci. "

A toutes celles qui ont donné la vie... cet exercice s'applique à vous également ;)

Une maman ordinaire. 

vendredi 1 avril 2016

Avoir un BABI (bébé aux besoins intenses)


Dans une société où la norme prône la séparation de plus en plus précoce de maman et bébé, difficile de trouver ses marques en tant que jeune maman lorsque son enfant est un « bébé aux besoins intenses ».
Les premiers mois de la vie d'un enfant sont parfois très compliqués à vivre en ce qui concerne la construction de la relation avec les parents, a fortiori lorsque la vie de famille est déséquilibrée par  un nouveau né qui vit littéralement dans les bras de ses parents.


Qu'Est-ce-qu'un BABI ?

Ce terme est très discuté et controversé chez les pédiatres. Créé dans les années 1980, il désigne les bébés qui, comme son nom l'indique ont des besoins de contacts intenses et qui réclament énormément de portage et de présence de ses parents. Souvent incompris, les parents qui répondent aux besoins de leur enfant essuient très souvent les reproches de leurs proches (famille et amis) qui ne comprennent pas qu'ils « cèdent » aux pleurs -pourtant justifiés- du nourrisson.
A travers cet article j'ai pour ambition d'aborder ce sujet car ma fille Elena est un b.a.b.i, et j'ai vécu les débuts de ma vie de maman comme un réel marathon aussi éprouvant physiquement que psychologiquement. Dieu sait si j'aime ma fille, mais je ne dirais jamais assez que devenir mère m'a confronté et me confronte toujours à mes propres limites.

Comment vivre avec un b.a.b.i ?

Un b.a.b.i pleure énormément, on dirait presque « pour un rien ». Impossible de le coucher dans son lit, dans son parc. Impossible d'aller aux toilettes, à la douche ou même de manger sans qu'il ne pleure... cela met nos nerfs à rude épreuve, et c'est bien normal. Il ne s'endort que sur maman (ou papa parfois) uniquement s'il sent le rythme cardiaque de maman et s'il est rassuré par son souffle à proximité. Dans l'article que j'ai rédigé sur les trois premiers mois avec bébé je décris dans le détail ce qui était mon quotidien avec Elena les premiers mois de sa vie. J'étais littéralement exténuée.
En réalité, avec le recul et à force de me renseigner sur la question, j'ai compris que tous les bébés ont des besoins forts de contact. Certains l'expriment de façon plus forte que d'autres, mais le problème ne réside pas dans les pleurs de bébé, mais dans notre mode de vie. En effet, on ne connaît ce « problème » que dans les sociétés occidentales, car culturellement, les jeunes parents sont beaucoup plus isolés tandis que dans le monde oriental, les familles s'entraident plus, et les bébés ne connaissent pas ce problème car ils sont souvent portés par les femmes de la maison qui n'hésitent pas à se passer le relais. Cela permet à la jeune maman de souffler et aussi au bébé de ne pas se sentir mis de côté. La pratique du cododo aussi est beaucoup démocratisée, et on ne se pose pas la question de savoir si il y a « trop de contact ». Nos divergences de mode de vie ont une influence non négligeable sur la façon d'appréhender l'accueil d'un bébé, et le portage reste, une des principales solutions au problème.
A force de patience, les choses s'arrangent au fil des mois car le nouveau né prend confiance en son nouvel environnement. Cela peut durer un certain temps, c'est pourquoi j'ai voulu poster une vidéo d'une émission très intéressante qui traite sur le sujet, afin de rassurer les jeunes parents qui sont dans la même situation. Et pour les aider, avant tout, à mieux cerner l'origine du "problème".




En bref, vous l'aurez compris, être parent n'est jamais de tout repos, mais n'oubliez pas qu'il est normal de se sentir parfois exténué(e). De toute évidence, nous ne sommes que des êtres humains, alors dans les moments où vous sentez que vous allez craquer, comme le dit justement le pédiatre dans la vidéo ci dessus, n'hésitez pas à contacter un proche, poser bébé dans son lit et souffler un bon coup... Les premiers temps sont difficiles, je ne vous l'écrirais jamais assez, vous pouvez déculpabiliser de perdre patience... et surtout réalisez que c'est une situation tout à fait normale, le temps faisant bien les choses vous verrez assez rapidement que le jeu en vaut la chandelle. 
De mon expérience, je retiens que ma fille a été un bébé "très difficile" surtout les 3 premiers mois et le fait que je m'en occupais quasi exclusivement n'aidait en rien à ce que mon "baby blues" s'efface. Le papa travaillant beaucoup à l'époque, l'incompréhension me rongeait ainsi que la solitude.  A force de dialogue, nous avons passé le cap avec brio. Avec beaucoup d'amour et de respect des volontés de l'autre, il est beaucoup plus facile de franchir cette étape du premier trimestre de bébé.
Maintenant qu'Elena arrive à ses 7 mois, la situation est bien différente notamment parce que mon conjoint est beaucoup plus disponible mais aussi parce que je constate que ma fille est plein d'assurance, ce qui l'a fait gagner en autonomie.  Pour le coup, je ne regrette absolument pas d'avoir répondu présente à ses appels larmoyants, car au final, elle est devenue un bébé jovial et épanoui qui nous émerveille encore plus chaque jour qui passe. Je crois avec ferveur qu'il reste primordial de rassurer son enfant pour qu'il se sente en sécurité dans son environnement post partum, et surtout comprendre qu'il ne parle pas le même langage qu'un enfant de cinq ans. Ainsi, il vous apparaîtra plus facile de réaliser qu'un nouveau né n'a pas la notion de caprice, mais qu'il  ressent seulement ce besoin incommensurable et unique de vous avoir auprès de lui. :) 


Une maman  ordinaire.